Musique Mélancolique

[[...et moi, j'ai besoin de vacances...]]

Marie avait traversé la porte, suivant le chevalier de près. Lorsqu’elle arriva dans la salle de bal, elle constata que les choses avaient changés. Des meubles qu’elle avait toujours connus n’étaient plus à leur place, tout comme une série d’objets qu’elle ne trouvait plus à leurs endroit accoutumés. Tout cela allait faire beaucoup de travail pour elle durant la nuit prochaine.

C’est alors qu’elle vit la musicienne. La fille aux cheveux sombres devait avoir environ l’age qu’elle avait lors de sa mort. Elle était seule et jouait du violon, sans s’inquiéter d’être entendue. En la regardant, Marie se promit d’expliquer à son guide que cet instrument était le descendant direct de la viole de son époque, mais cela, c’était pour plus tard.

Pourtant, lorsque les deux fantômes franchirent la porte, la fille ne jouait plus. L'archet était sur le sol, et elle avait les yeux fermées. Marie se retourna alors vers le chevalier et hausa les épaules d'un air légèrement coupable.
"Je suis désolée...j'ai trop attendu, je crois. Mais...merci de m'avoir enmenée..."

Alors que Marie observait la vivante, elle constata bientôt que son guide en avait fait autant, mais que ses pensées avaient été sensiblement différentes des siennes.
"La gueuse a un joli cuissot", constata-t-il à mi-voix, tandis que Marie tourna la tête et lui murmura un "Chuuut!" amusé. Pourtant, son sourire disparut bien vite lorsque le chevalier poursuivit dans une lignée bien différente.
"J'aurais été vivant, je l'aurai bien troussée ici même, mais je crois bien être devenu froide queue depuis ma mort. Quel gâchis!"
Le visage de la servante se figea lorsqu’elle entendit l’autre fantôme parler de la sorte. Elle avait déjà entendu un homme parler comme ça…soudain, elle revit devant elle celui dont elle avait cru qu’il serait un jour son mari et qui s’était dépêché de la détromper lorsqu’il aurait du faire face aux conséquences de ses actes...

Alors que Marie clignait des yeux pour faire disparaître la vision, l’homme qu’elle avait pris pour un chevalier dans la plus pure tradition du preux chevalier courtois se tourna vers elle.
"Laissons dormir la bougresse et revenons plus tard. Je ne voudrais point effrayer cette gazelle qui ravira vos oreilles lorsqu'elle sera éveillée."
"Est-ce bien les oreilles que vous voulez qu’elle vous ravive ?", répondit la jeune servante d’un ton cinglant, mais avant qu’elle ne pu rajouter quoi que ce soit, la fille se réveilla et leur parla gentiment, comme si c’était elle qui dérangeait. Le regard de Marie alla de la jeune fille vers le chevalier. Son dégoût était vif, mais pas assez pour léser cette gamine seule avec cet obsédé fantomatique. D'accord - Marie n'aimait pas les intrus...mais en revanche, elle aimait encore moins ce genre d'homme, peu importent qu'ils fussent vivants ou morts.
"Vous ne m’importunez pas", mentit la servante, "Et je crois que lui, vous ne l’importunez pas non plus…n’est-ce pas ?" Marie lança un regard glacial en direction du chevalier. "Allez, dites-le lui!"

Lorsque la jeune fille se réveilla, Christian se solidifia puis modifia son apparence pour prendre celle d'un serviteur qu'il avait aperçu deux ou trois jours plus tôt.

Il ne voulait pas effrayer la belle sinon il pouvait toujours courir pour l'entendre.

Il fut un peu surpris de la réaction de Marie : ah ! Autre époque autre moeurs !
Il avait dû la choquer avec ses propos, mais diantre si c'était volontaire de sa part !

Oubliant la belle éveillée désormais, il se tourna vers Marie.

"Fichtre, dame, vous voilà bien remontée contre ma personne. Si mon verbiage peut vous choquer, ce n'est point intentionnel."

Il se tourna ensuite vers la jeune ménestrelle.

"Damoiselle, veuillez nous excuser. Nous étions juste passer afin d'écouter vos merveilleuses mélodies.
Hélas, vous voyant assoupie, j'ai oser prétendre devant elle que je vous trouvais d'une grande beauté ainsi alanguie."

Il se tourna vers marie pour la défier du regard de le contredire, tout en souriant. Il espérait que ce qu'il lui avait dit juste avant calme son courroux.

L’homme se tourna alors vers Marie et pris un air tellement innocent qu’elle se serait fait un plaisir de lui placer sa main spectrale au milieu de la figure…ce qu’elle aurait peut-être fait si la vivante n’avait pas été là.
"Fichtre, dame, vous voilà bien remontée contre ma personne. Si mon verbiage peut vous choquer, ce n'est point intentionnel", eut-il le culot de dire et, si Marie avait été vivante, elle en aurait rougit de colère.
Ben voyons…si tous les chevaliers de l’époque avaient été comme cet exemplaire-là, alors Marie avait eu tord d’aimer les vieilles histoire où les chevaliers étaient des héros nobles au cœur pur…

"Damoiselle, veuillez nous excuser. "
L’homme s’était tourné vers la vivante.
"Nous étions juste passer afin d'écouter vos merveilleuses mélodies.
Hélas, vous voyant assoupie, j'ai osé prétendre devant elle que je vous trouvais d'une grande beauté ainsi alanguie."
Alors qu’elle avait apprécie ce langage peut avant, Marie afficha un rictus de dégoût, qui s’atténua à peine lorsque la jeune vivante leur offrit un petit concert pour se faire pardonner.

Au regard de défis du chevalier, Marie répondit d’un regard noir, le défiant à son tour de tenter quoi que ce soit tant qu’elle serait présente…

Christian fut réellement étonné du regard noir de Marie. Décidément, cette petite montait trop rapidement sur ses grands chevaux.
Ah ! Les nouvelles générations étaient vraiment difficiles à comprendre.
Par le cornu ! Il avait pourtant fait amende honorable devant elle !!

Il se tourna vers la jeune femme vivante qui s'excusait devant eux, en plus.

"Jeune dame, ne vous excusez nullement de vous être assoupie. Mais j'avoue être tenté de vous écouter jouer, si cela vous agrée ? J'ai entendu tout à l'heure l'un de vos morceaux sur... sur cet instrument et j'ai trouvé cela très beau.
Si l'envie vous en prend, ravissez donc nos oreilles !"

Il lui fit un grand sourire. Peut-être que elle, au moins, se montrerait moins obtue que la pauvre servante décédée à ses côtés.
Une autre génération, un autre problème.

"Ma dame, sur mon honneur, pour le peu que j'en ai, je vous assure que ce que j'ai entendu tout à l'heure était en tout point charmant et qu'il y a longtemps qu'on n'avait point ravi ainsi mes oreilles.
Maintenant, je puis vous promettre de ne point me moquer. Ma tendre amie sera, j'en suis sûr, d'accord avec moi !"

Il se tourna vers Marie.
Il était vraiment étonné qu'elle réagisse ainsi. Quel manque de confiance en soi ! C'était vraiment étonnant.

En ce moment, Marie aurait tout donné pour monter à ce coq de quel boit elle se chauffait mais, malheureusement, la vivante était là, et comme la servante n’avait pas vraiment envie d’écouter des cris, des pleurs ou des hurlements, elle se contenta de répondre au chevalier avec un regard qui en disait long sur ses pensées.

La réponse de la jeune sotte au violon fit l’effet d’une lame ardente dans l’esprit de la servante, car cette gamine lui rappelait cruellement ce qu’elle avait été un peu moins d’un siècle plus tôt. Elle aussi avait écouté les belles paroles d’un beau jeune homme bien habillé, bien coiffé et surtout bien élevé, si bien qu’elle s’était retrouvée dans son lit avant même de comprendre véritablement ce qui s’était passé…
Se moquer d’elle…bien sur que notre preux chevalier n’allait pas se moquer d’elle…le fantôme était certes cupide, mais loin d’être assez stupide pour ne pas continuer sur le même chemin avec la fille. D’ailleurs, à en juger l’écho que Marie avait entendu raisonner dans les couloirs, la vivante se débrouillait plutôt bien, si bien que la servante ne pouvait se débarrasser de la désagréable impression que cette gamine faisait preuve de fausse modestie devant de pauvres serviteurs ébahis…
*Peut-être qu’elle ne mérite même pas que je la surveille*, songea Marie en secouant intérieurement la tête. Et pourtant...elle se sentait étrangement responsable.

Christian fit l'effort de rester matérialisé mais la musique l'entraînait ailleurs.
De même, le fait de conserver une apparence différente sapait ses forces plus vite qu'il ne l'aurait cru.

Il demeura debout à jeter des petits coups d'oeil à marie. Il ne comprenait toujours pas pourquoi elle réagissait aussi mal envers lui.
Il avait dû dire quelque chose de choquant mais ne voyait pas quoi.

Bah, ils auraient l'éternité pour en reparler.

En attendant, la jeune fille jouait et réfléchir en une telle occasion était criminel.

Il demeura donc à l'écouter, transporté par le son de cet instrument étrange mais au son magnifique.

Enfin, la jeune fille parut se décider. Elle semblait mal à l’aise à l’idée d’avoir un public qui l’écoutait et pourtant, tout cela était bien loin de la réaction qu’elle aurait eue si elle avait su qu’elle allait donner un petit concert privé à deux fantômes. Marie garda donc le silence, serra ses mains derrière son dos et se donna beaucoup de mal pour paraître aussi effacée et humble que possible, sans pour autant prendre le mot « effacée » au pied de la lettre, mais tout cela s’annonçait difficile.
Non seulement, la vivante commençait à faire chanter son instrument, mais le chevalier à coté de Marie n’arrêtait pas de lui jeter des petits regards au coin, si bien que toute cette situation devenait difficilement supportable. La servante serra ses mains qui menaçaient de devenir dangereusement translucide sur le noeud son tablier.



Salle de Bal, 16 Juillet 1792.


Depuis des mois, la terreur faisait rage à Paris, mais la capitale était bien loin et les nobles qui allaient et venaient en jacassant s’en moquaient éperdument. Tous ces gens faisaient partie des chanceux qui avaient fuit au bon moment et qui attendaient que toute l’affaire se calme pour rentrer à Paris et reprendre possession de leur biens. Marie se demandait si ils retrouveraient leur châteaux, leurs terres et leurs villas comme ils les avaient quittés, mais elle se gardait bien de leur poser la question trop directement. Le temps était à l’amusement, à la danse et aux bavardages sans intérêt, et se genre de question aurait vite fait de jeter un froid désagréable dans l’assemblée…un froid qui lui aurait certainement coûté sa place.

« Marie, va apporter les tartelettes, il y en a presque plus. »
La jeune femme hocha la tête et pris le plat des mains de Joséphine. Il ne fallait pas plaisanter avec la cuisinière, surtout pas durant un soir de banquet. De plus, les choses devaient aller très vite, car les nombreux invités semblaient ne pas avoir mangé depuis deux semaines. D’ailleurs, Marie s’en étonnait toujours, car plus les gens étaient riches, plus ils engloutissaient de sucreries comme si la famine les guettait à chaque coin de rue.

D’un pas vif, Marie parcouru les longs couloirs, monta l’escalier et entra dans la salle de bal, prenant bien garde de ne pas percuter les gens et de ne pas se trouver sur le chemin des danseurs. Elle arriva sans encombre jusqu’à la longue table où les convives s’étaient installés et déposa son plat sur la nappe immaculée. Le plat en argent massif étant très lourd, Marie du tendre les bras un maximum pour ne pas heurter les jeunes nobles qui étaient attablés à sa hauteur et, soudain, elle sentit le plat glisser entre ses doigts, si bien qu’elle crut tout renverser. Heureusement, l’un es jeunes hommes avait de bons réflexes, il attrapa le plat par le côté opposé et le redressa juste avant que la catastrophe ne puisse se produire.

Marie réprima un sursaut, déposa le plat sur la table et baissa son regard vers le jeune homme qui l’avait aidé, prête à lui faire ses plus plates excuses. Il était jeune, 25 ans peut-être, blond avec des yeux d’un vert magnétique. Au grand étonnement de Marie, le jeune noble lui sourit, si bien que ses excuses lui restèrent coincées au fond de la gorge.
« Faites attention à vos tartelettes, Mademoiselle…elles semblent être habitées d’une volonté propre. »
Il souriait toujours alors que Marie se sentit rougir jusqu’à la base des cheveux. L’orchestre s’était tu, et le son d’un violon solitaire semblait faire vibrer l’air. La jeune servante savait bien qu’elle aurait du s’excuser, ou au moins baisser les yeux et se retirer, mais le regard vert du jeune homme l’empêchait de faire le moindre mouvement.
« Je…je suis navrée…je… », balbutia-t-elle, cherchant désespérément ses mots, alors que le sourire du jeune noble se fit complice.
« Il n’y a pas de mal, Mademoiselle », la rassura-t-il, comme si il venait de s’adresser à une jeune Comtesse perturbée qui lui aurait marché sur les pieds lors d’une danse. « Dites-moi donc votre nom et l’affaire sera oubliée. »
Une fois encore, Marie sentit le rouge lui monter aux joues. Cet homme, ce jeune noble de grande famille lui demandait son nom…le violon jouait toujours et le temps semblait s’être soudain arrêté.
« Marie », murmura-t-elle dans un souffle.



Debout à coté du chevalier, Marie serrait les poings. Pourquoi l’avait-elle regardé, mais pourquoi donc? Si elle avait deviné ce qui se cachait réellement derrière ce sourire angélique, elle lui aurait retourné ce maudit plat sur la tête…cette ordure avait profité de sa naïveté et de ce que l’on pouvait appeler le « coup de foudre ». Maintenant, avec tout le recul nécessaire, Marie savait bien qu’elle avait été atrocement fleur bleue, tellement naïve qu’elle en avait honte. Elle ne se ferait plus avoir…plus jamais et aujourd’hui, elle maudissait tous les baquets, tous les nobliaux trompeurs et tous les violons du royaume de France.

Sans un regard en arrière, Marie se retourna vivement et alla vers la porte, et ce fut que par pur hasard qu’elle se rappela de l’ouvrir avant de la passer…


TBC: On verra… (Je pars en vacances et j’ai donc jugé utile de me retirer pour que vous n’ayez pas besoin de m’attendre ^^.)

Christian regarda la jeune fantôme partir. Peut-être n'avait-elle pas la force de rester matérielle aussi longtemps que lui ?

Il se tourna vers Louisa et lui sourit gentiment.

"Je gagerai que la petite a été perturbée par votre musique. Il y a bien longtemps qu'aucun musicien n'était venu ici, et vous jouez divinement bien. Croyez-moi, dame, je ne me moque pas.
De plus, Marie était fatiguée. Vous avez dû bouleverser cette pauvre enfant."

Il accetua son sourire, ne sachant pas très bien comment exprimer ce qui s'était réellement passé à la jeune femme sans l'effrayer.

"Peut-être accepteriez-vous de continuer, juste pour moi ?"

Christian écouta. Il écouta avec son âme, il écouta avec son coeur, et ce qu'il perçut dépassa de loin ce qu'elle jouait.

Comment diantre pouvait-elle croire un seul instant qu'elle ne jouait pas bien ?

Il comprit alors, en se voyant se dématérialiser légèrement, ce qui avait pu troubler Marie.
A se laisser transporter par la musique, on en oubliait qui on était.
L'apparence qu'avait choisi Christian était celle d'un serviteur et il avait de plus en plus de mal à maintenir l'illusion, mais c'était si beau que cela valait la peine de rester concentré.

Néanmoins, il ne devrait pas rester éternellement après qu'elle ait fini de jouer.
En attendant, il était bien plaisant de se laisser guider vers la musique, quand c'était aussi bien jouer.

Il s'adossa à une table et prit appui sur elle, contemplant la jeune femme et son instrument bizarre.

Il lui sourit aimablement.

"Ma chère, vous jouez telle une muse et vous m'avez fait oublier pour un instant ma... situation.
Pour cela, je vous remercie."

Il s'inclina galamment devant elle.

"Hélas, je dois retourner travailler faute de quoi le maître des lieux ne va pas apprécier.
J'espère vous revoir très vite et pouvoir vous écouter à nouveau."

Il s'approcha et lui fit un baise main.
La pauvre semblait tellement peu sûre d'elle qu'il avait l'envie instinctive de la protéger.

Il eut un franc sourire.

"En réalité, je donnerai beaucoup pour rester vous écouter à nouveau, ou juste jouir du plaisir de votre compagnie mais je dois travailler sinon je serai renvoyé et ne pourrai plus revenir vous entendre.
Promettez-moi de recommencer pour mes oreilles et celles de ma compagne lorsqu'elle sera remise ! S'il vous plaît !"

Christian sourit et se laissa enfin reprendre sa forme et se dématérialiser.

Il s'en était fallu de peu. Bien qu'il soit assez fort, il n'était pas possible de maintenir une telle illusion longtemps, il le savait.

Bon, il allait devoir s'expliquer avec Marie, la jeune servante le battait froid depuis qu'il avait dit des compliments sur Louisa.
C'était une femme bizarre, cette Marie, et il ne comprenait pas du tout sa réaction.

Il fallait mettre les choses au clair.

En traversant le mur de la salle pour rejoindre les étages, il se demanda si, à l'époque où était morte Marie, dire d'une femme qu'elle avait un joli cuissot était considérer comme une insulte.
Intéressant sujet de conversation en vérité : un compliment pouvait-il devenir une insulte en quelques siècles ?

Voilà qui allait occuper son esprit pendant un moment.

(ailleurs)