Entrevue

{Bureau de James}

Clémence ne savait plus quoi penser de ce qui s'était passé entre elle et le beau propriétaire de sa demeure. Comment résister alors que tout son coeur la portait vers lui ? Un coeur qu'elle pensait être de pierre. Elle, la reine des glaces, la femme froide et cruelle, éprouvée par des siècles de culpabilité avait-elle encore une once d'humanité en elle ? C'était bien possible vu comment elle réagissait au contact de cet homme. Il lui fallait se ressaisir. Elle avait été beaucoup trop frivole avec lui, il fallait que cela cesse. Au moins avait-elle réussit à maintenir la paix au château, mais ce fut au prix de sa dignité et de son arrogance. Maintenant elle errait dans le parc et se dirigeait vers son refuge favori : la roseraie. Malgré les siècles, ses roses étaient toujours la, intactes. Elle les admira un instant par la fenêtre puis se retourna pour contempler le parc. Elle s'adossa au mur et ferma les yeux. Il fallait qu'elle fasse le vide dans sa tête pour continuer.

[Aile Est, Brume]

Le vicomte avait attendu longtemps, dissimulé dans l'ombre d'une statue de pierre, que la Dame de ces lieux veuille bien se montrer. Enfin, à la nuit tombée, il avait vu une silhouette menue, affublée d'une robe sortie du fin fond du Moyen-Age, diriger ses pas silencieux dans les allées du jardin. Cette petite femme mélancolique était donc la fameuse Clémence de Faussigny ? Elle était loin de correspondre aux descriptions qu'on lui en avait faites, mais après tout elles étaient souvent contradictoires. On lui avait dit qu’elle était terrifiante, frappée de folie, qu’elle apparaissait tour à tour belle comme le ciel et laide comme la boue… Qu’il n’y avait aucun doute quelle était entièrement responsable de leur malheur à tous et que cette sorcière n’en éprouvait aucun remord. Si ce n’est pour s’être retrouvée elle-même maudite. D’autres parlaient d’elle comme d’une belle et cruelle Dame Blanche aux pouvoirs terrifiants. Plus elle approchait de l’endroit où il se cachait, plus il penchait pour cette seconde interprétation. Au début de son autre vie, il n’avait pas mis bien longtemps à se guérir de l’effroi et l’émotion qu’inspirent les apparitions de ses semblables, mais il fallait bien avouer que la nuit favorisait ce genre d’impression et seyait bien aux spectres. Elle aurait pu offrir un joli spectacle fantomatique à un vivant qui aurait risqué un œil au dehors, mais elle demeurait discrètement invisible, comme lui. Quant à son pouvoir, il ne remarqua rien de particulier au début, mais eu un choc en réalisant qu’elle dissimulait une grande partie de son aura spectrale, comme par pudeur. Avait-elle peur qu’on la remarque trop ?
Il lui vint la certitude que cette femme était bien celle qu’il cherchait et qu’elle débordait de remords. Ce dernier point était peut-être le point faible dont il pourrait se servir pour la convaincre.

Il descendit de la statue et alla vers elle, s’arrêtant à une distance respectable. Son visage n’affichait aucune hostilité et aucune sympathie, juste de la détermination. Il s’exprima avec une certaine froideur, mais sa voix calme n’était pas faite pour inspirer la moindre méfiance :

"Bonsoir. Etes-vous bien Clémence de Faussigny ? Vous êtes duchesse je crois ? C’est un honneur de vous rencontrer. Je suis le vicomte Charles Montval, le propriétaire précédent, et j’aimerais vous parler si toutefois vous acceptez cette invitation cavalière."

Se faisant, il s’inclina profondément et attendit sa réponse.

Clémence, qui était perdue dans ses pensées, n’avait pas vu le vicomte approcher. Elle écouta ses paroles mais n’y répondit pas tout de suite. Bien sur elle le connaissait. Elle se rappelait tous les hommes qui avaient pris en main le domaine après sa mort. Elle avait même essayé de calmer ses compagnons d’infortune quand elle avait constaté que cet homme et sa femme étaient des gens digne d’habiter dans sa demeure. Cependant elle remarqua vite que la jeune fille fragile qui lui tenait lieu de femme était très réceptive aux fantômes. Elle avait une aura étrange, d’une puissance inférieure a celle de Clémence, mais détenant une part de mystère qui n’avait pas manqué d’intriguer la Dame Blanche. Clémence n’a jamais su si la mort de la jeune femme était du a sa volonté ou a celle d’une personne malfaisante. Leur histoire avait été bien triste et elle le regrettait car elle allait encore devoir s’accommoder de nouveaux propriétaires pour sa maison. Bizarrement, la jeune fille n’était jamais apparue en tant que fantôme. La seule trace de son passage au domaine était le lac, lieu de sa mort. Le vicomte ne semblait toujours pas remis de sa mort et cela se comprenait. Il avait tant aimé sa compagne qu’il en aurait encore pour des siècles de chagrin. Ayant terminé ses réflexions elle se décida à lui répondre.

Oui je suis bien la Duchesse de Faussigny et je suis aussi très heureuse de vous rencontrer. Malgré la taille réduite du domaine, nous n’avons jamais eu l’occasion de nous parler et cela me réjouit que ce jour arrive enfin. Je vous écoute donc.

Le vicomte la jaugea un instant du regard, ne sachant quoi penser. Et se lança dans un discours tout aussi calme et dépourvu d'émotion que précédemment. Plus qu'avec sa belle-mère, avec qui il avait volontairement laissé sentir sa méfiance et sa désapprobation dès le départ, il décida de prendre un ton respectueux... Dans le but de lui faire sentir d'emblée qu'il la considérait comme leur reine, celle qui avait le devoir d'écouter les doléances de ses sujets :

"Merci infiniment. Je vous prie d'avance d'accepter mes excuses pour ce qui pourra vous paraître brusquerie et impolitesse dans mon langage... J'imagine que nos moeurs linguistiques diffèrent autant que nos époques sont éloignées.
Je crois savoir que vous êtes la première d'entre tous les esprits de ce domaine... Cela fait de vous la plus puissante et la plus à même de rendre justice et de régner sur notre communauté. Avant de vous faire ma requête, j'ai une question à vous poser, si vous le permettez : quels sont vos rapports avec la duchesse Anne de Faussigny ?"

Il avait pris la sage décision d'éviter le mentionner le fait qu'elle était aussi la cause originelle de leur malheur à tous. Il supposait que les remords la rongeaient déjà assez que pour se sentir obligée de soulager la douleur de ses sujets, d'accepter toutes leurs demandes. La culpabilité était déjà bien présente dans son esprit, il pouvait le lire dans son regard. Il venait d'ajouter à cela le sentiment de responsabilité par rapport à l'existence des pauvres damnés qu'elle avait traînés dans son sillage depuis des siècles. Il espérait que cette méthode lui permettrait d'arriver à ses fins, de la rallier à sa cause.

La question la prit au depourvu. Etait-il resté terré dans un trou de souris depuis sa mort ? Ne savait-il donc pas que la mere de son mari la haissait plus qu'il n'en etait humainement possible ? Elle pensait que tous les fantomes du chateau connaissaient son histoire par coeur vu qu'elle etait la premiere d'entre eux et aussi la cause de tous leurs malheurs. Beaucoup lui avait meme posé directement des questions, cherchant des solutions a leur situation. Mais, constatant, comme elle il y a des années de cela que la quete etait vaine, ils s'etaient tous laissés aller au desespoir et avaient essayé de trouver une occupation pour exprimer leur colere comme terroriser les vivants. Clémence n'en avait jamais vu vraiment l'interet. Faire peur aux humains n'etait utile que lorsque le domane etait en danger. En l'occurence, elle s'etait chargé des nouveaux propriétaires, et surtout d'un en particulier. Elle laissa de coté ses divagations pour revenir a la conversation qu'elle avait avec le vicomte.

Je dois avouer que votre question me semble effectivement tres brusque. On ne peut pas dire que vous tournez autour du pot. Anne ne m'a jamais apprécié, et moi de meme. Pour elle je n'etais qu'une potiche sensée mettre en valeur sa progeniture et aussi une pouliniere chargée d'assurer la descendance de Sa Grâce. Mon mari ne m'a jamais soutenu quand je tendais d'eloigner sa mere pour que nous puissions faire un peu plus connaissance et peut etre avoir une vie de couple heureuse. Il etait aussi hautain et meprisant envers moi que sa mere. Pour resumer, mes rapports avec Anne de Faussigny ne sont pas ce qu'il y a de plus amical.

Trop choqué pour répondre, il fixa un instant la dame du château d’un air incrédule. "Je n'etais qu'une potiche sensée mettre en valeur sa progéniture" ?! "Nos rapports ne sont pas des plus amicaux" ?! Etait-ce là tout ce qu’elle pensait de la meurtrière qui lui servait de belle-mère après toutes ces décennies ?!! Ce qu’elle venait de lui expliquer, il en avait déjà appris une bonne partie dans les rumeurs alors qu’il n’avait finalement passé que peu de temps à errer au château et qu’il n’avait pas vraiment cherché à en savoir plus, est-ce qu’elle se moquait de lui ? Ces petites préoccupations personnelles vieilles de plus de trois siècles étaient vraiment tout ce qui lui importait ? Pour un peu, il l’aurait secouée comme un prunier en lui apprenant ses quatre vérités… Son caractère impétueux se réveillait et ce n’était vraiment pas ce qui arrangerait ses affaires dans cette situation. Il ne fallait pas oublier à qui il s’adressait. La légende de la harpie sanguinaire au visage grêlé était peut-être une facette cachée qui se réveillait à la moindre contrariété… En plus, il y avait de grandes chances pour qu’elle soit devenue folle après tout ce temps, il avait le vague sentiment que la lucidité terrifiante d’Anne de Faussigny n’était pas une chose que tous les esprits de son âge partageaient. Estimant qu’il avait repris le contrôle de ses sentiments, il reprit sur un ton posé :

"Pardonnez-moi mais ce n’est pas exactement ce que je voulais savoir, ma question n’était sans doute pas assez précise. Que faites-vous du fait que la moitié des esprits qui hantent ces lieux ont probablement été damnés à cause d’elle ? Je veux dire… Vous vous rendez compte qu’elle hante les vivants avec l’intention formelle de les pousser au suicide ?! Elle pourrait se contenter de les faire fuir, mais elle préfère augmenter la population des malheureux qui vont passer l’éternité ici, sans répit. Si je devais désigner un coupable à châtier, ce ne serait pas vous"

Il laissa sa phrase en suspend, contient de s’être laissé emporté et d’en avoir trop dit. Sa dernière question en particulier… Initialement, il avait eu l’intention de la poser sur le ton de l’ignorance la plus innocente, comme la première. Cela dans le but de l’acheminer par le dialogue vers la conclusion voulue : qu’elle soit intimement persuadée qu’il était dans son devoir de faire payer Anne de Faussigny. Mais bien trop de cynisme s’y était insinué, elle allait croire qu’il la prenait pour une vieille femme sénile, ce qu’il n’était pas loin de penser (500 ans, c’était beaucoup, même pour un fantôme.)

Ma belle mere a effectivement des passions bien etranges. Mais que voulez-vous que j'y fasse ? Que je la tue ?

Elle eut un petit rire.

Je n'ai aucun moyen de pression sur les morts. Si je voulais je pourrais user de mes pouvoirs sur elle. Mais ils ne seraient d'aucun efficacité vu qu'elle est deja morte ! Si je pouvais l'envoyer en enfer je vous assure que je l'aurais deja fait depuis longtemps. Mais je n'en sais pas plus que vous sur le sortilege utilisé pour nous damner. La vieille a qui j'avais fait appel ne m'a jamais revelé aucun secret.

Elle s'arreta un instant essayant de se rappeler pour la enieme fois les paroles de la vieille femme. Et comme a chaque fois elle n'y arriva pas. Les souvenirs qu'elle avait ne lui etaient d'aucune utilité. Elle revint a sa conversation avec le vicomte.

Contrairement a ce que vous pouvez penser, je ne suis pas aussi folle que j'en ai l'air. Je suis lasse et impuissante. Les seuls sur qui je peux influer sont les humains. Je ne peux pas faire pression sur Anne pour qu'elle stoppe ses mefaits. Je devrais etre constamment derriere elle et quoi que je fasse, je ne peux pas l'empecher de recommencer. Mes pouvoirs sont certes plus puissants mais je ne pourrais au mieux que la faire disparaitre pour un laps de temps reduit. Mais si vous avez un pla interessant, je suis toute ouie. Je suppose meme que c'est pour solliciter mon aide que vous etes venu a moi.

Le vicomte écouta la dame blanche sans l'interrompre une seule fois. A l'évidence, elle avait longuement réfléchi à tout ceci. Mais ça ne suffisait pas à le faire changer d'opinion ou à regretter ses paroles. Les raisons de cette femme ne parvinrent pas à l'émouvoir mais jetèrent comme un seau d'eau froide sur sa colère. Il répondit gravement lorsque le silence ce fit :

"Vous l'avez dit, vous pourriez consacrer votre existence à la surveiller et à l'empêcher de nuire. Mais vous ne le faites pas. Qu'avez-vous de si important à faire de votre éternité ?"

Il ne se souciait plus du respect des convenances et ne craignait plus d'être trop arrogant ou de s'attirer sa colère. Et il se haïssait d'éviter son regard en cet instant, de se laisser malgré lui écraser alors qu'il savait qu'il avait raison. Il resta un moment songeur et puis des paroles lui vinrent, sèches et nerveuses, et il ne put les retenir. Il parla plus vite mais en articulant chaque mot, leur donnant de l'impact en s'aidant de gestes et en les imprègnant de cynisme. Plus il parlait plus il se sentait gagné par une agitation fiévreuse :

"Vous savez ce qu'elle m'a fait à moi ?! Est-ce que vous connaissez seulement l'histoire de tous vos "sujets" ? Ma femme n'avait même pas vingt ans, nous avions des serviteurs, elle aurait pu choisir n'importe qui d'autre pour s'amuser, elle aurait pu me choisir moi, mais il a fallut qu'elle jette son dévolu sur elle, la plus jeune et la plus fragile. Elle l'a rendue folle, elle a jeté de l'huile sur le feu, a usé de toutes sortes de tortures mentales pour que nous nous querellions et pour la pousser au suicide. Jamais nous ne nous étions disputés avant ça, nous avions traversé la désaprobation de tous nos proches avant de nous marier malgré la différence d'âge. Elle ne méritait pas ça, nous ne le méritions pas. Mon épouse est morte deux fois, vous entendez ?!! Elle n'a pas supporté l'idée d'exister ainsi pendant toute l'éternité car les tortures de votre belle-mère n'ont pas cessé une fois son but atteint. Aujourd'hui encore elle est dans le lac du domaine, elle a consacré toutes ses forces à se mélanger parfaitement avec l'eau, j'ignore ce qu'il reste de son esprit après toutes ces années. Je... Je suppose qu'elle ne pensait pas que j'allais la suivre parce que... parce que je ne croyais pas à tout ça. Mais je l'ai fait, j'ai poussé cet idiot à me tuer et... J'aurais voulu qu'elle le sache"

Il s'arrêta brutalement, sentant qu'il perdait le contrôle de lui-même et que son récit devenait décousu. En vérité elle le savait, il restait encore une parcelle d'elle-même quand il était allé la chercher au fond du lac après son propre trépas. Il l'avait vue... Juste un instant, mais il savait qu'elle lui avait rendu son regard. Il ne comprenait toujours pas pourquoi elle n'était pas revenue à la surface en le voyant, alors qu'il était encore temps pour se reconstituer. Il se sentit à nouveau pris par des douleurs fantômes. Bien qu'il n'avait plus d'enveloppe charnelle, il aurait pu jurer qu'en cet instant il pâlissait et sentait un poids peser sur sa poitrine.

Ne croyez pas que je suis insensible a ce que vous me dites vicomte. J'étais bien consciente de ce qui se passait. Mais comme je vous l'ai exposé précédemment : que pouvais-je faire ? Des que j'aurais eu le dos tourné, ma belle-mère serait retournée tourmenter votre femme. Celle-ci était trop faible pour survivre ici.

Clémence déglutit et baissa les yeux, ne voulant pas subir le poids de son regard et de la colère qui y demeurait. Elle n'en avait pas besoin, elle culpabilisait déjà assez de tout ce qu'elle avait pu faire dans son existence entière autant en tant qu'humaine que de fantôme. Mais elle se dit qu'elle n'était pas la seule a blâmer dans toutes ces histoires.

Pour être franche et totalement honnête avec vous, je dois avouer que j'ai quelques part souhaiter que ma belle-mère continue. Je voulais que votre femme en vienne à vous convaincre de partir d'ici. J'espérais que vous partiriez tous les deux. Mais vous ne l'avez pas cru. Je ne pensais pas qu'elle irait jusqu'à se suicider ainsi. J'en suis vraiment désolée.

Elle s'arreta un instant, pour reflechir un peu. Apres un silence pesant elle reprit :

Le plus étrange est qu'elle ne soit pas parmi nous. Je dois dire que cette affaire m'intrigue.

[HRP: J'avais une idée. Je voudrais mettre ta femme dans les persos predefinis (avec une histoire adaptée, et j'ai une bonne idée pour ca). Ca ne te derange pas ?]

Le vicomte se sentit malgré lui un peu honteux d'avoir été aussi brusque. Ce fut sur un ton beaucoup plus bas, la voix nouée par l'amertume de ses souvenirs, qu'il rétorqua à ses explications :

Mais j'ai l'impression que ce n'est pas la première fois que ça se produit... Certes Diane a été prompte à tomber dans le piège mais elle était loin d'être faible de caractère. Je suis certain qu'Anne de faussigny est capable de pousser n'importe quelle personne réceptive au suicide.

Il laissa le silence s'installer. La différence entre les gens réceptifs et non réceptifs lui échappait encore. Est-ce que le spectre n'avait fait qu'accélérer l'inévitable ? Diane ne s'était pas tuée pour la simple raison qu'il ne voulait pas déménager. Ses pensées se perdirent brusquement dans le vide. Après un instant de silence mental qui semblait toucher à l'infini, la Dame Blanche l'arracha de son univers intérieur.

Sa simple constatation lui fit froncer les sourcils et le plongea dans un trouble profond, il répondit :

J'ai tourné ce problème dans tous les sens pendant des années. La seule certitude que j'aie, c'est que c'est elle qui a voulu cette situation, elle a gagné son repos éternel en bataillant bec et ongle contre sa nature... Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de l'en déranger.

Il s'arrêta, c'était ce que sa raison lui disait. Il ferma un moment ses yeux immatériels, encore un simulacre d'expression, et lutta contre lui-même pour s'empêcher d'exprimer ce qu'il désirait vraiment. Sans succès :

... Pourtant... Pourtant j'aimerais la revoir une dernière fois. Parce qu'il y a encore des lacunes. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi elle a fait ça et je resterai prisonnier de son souvenirs tant que ça durera.

Il n'était pas tout à fait certain de la raison de son aveux, est-ce que Clémence de Faussigny était vraiment capable de ramener Diane ? Après tout, si ce n'était pas elle, qui d'autre ? Il la regarda avec un mélange de crainte et d'espoir dans le regard. Une moitié de lui savait qu'il venait une fois de plus de forger son propre malheur en y entraînant Diane. L'autre moitié s'en doutait.

Clémence était attristée par les révélations du vicomte. L’amour qu’il avait manifesté envers sa femme, du temps ou ils étaient les propriétaires du domaine, avait bien souvent ému Clémence. Elle avait envié la jeune fille. Son mari l’aimait tendrement alors que le duc de Faussigny n’avait jamais montré le moindre sentiment pour sa femme qui pourtant avait essayé bien des choses pour qu’il s’intéresse à elle. Elle se demandait à présent comment aider le vicomte. Elle sentait qu’il était de son devoir d’aider ceux qui s’aimaient, même si elle n’avait jamais profité d’un tel amour. L’âme de la jeune fille se trouvait dans le lac. Serait-il possible de l’éveiller si Clémence se concentrait suffisamment ? Essayer ne coûter rien. Mais donner de faux espoir au vicomte n’était pas non plus une très bonne chose. L’envie de Clémence de faire « revivre » la jeune fille fut la plus forte. Elle exposa donc son idée au vicomte.

Je crois que je peux peut être essayer quelques chose. Peut être que si je combine mes pouvoirs avec les vôtres nous pourrons faire revivre votre femme. Je ne veux pas que vous ayez trop d’espoir, mais je pense qu’il nous faut au moins essayer. Cela ne coûte rien, et je pense que nous pouvons réussir. Etes vous partant ?

Le vicomte jeta un regard attristé à Clémence. C'était bien ce qu'il craignait... ou peut-être ce qu'il espérait ? Non, il avait laissé ça de côté depuis longtemps, il ne devait plus y avoir la moindre once d'espoir, sa décision de respecter le choix de son épouse ne permettait pas qu'il se laisse aller à une chose aussi égoïste et vain.

Il se détourna pour réfléchir à ce qu'il allait répondre, il sentait que continuer à regarder la jeune dame blanche, avec son air compréhensif et ému, l'aurait fait céder plus facilement. Mais c'était déjà trop tard sans doute : il avait besoin de réfléchir alors que la réponse aurait dû être immédiate et définitive. Il se sentait faiblir. Après tout, elle était peut-être prisonnière du lac : comment savoir si son paradis personnel lui convenait vraiment ? Peut-être qu'elle souffrait indéfiniment, incapable de revenir seule à l'état de fantôme. Elle le laissait avec tant de choses inexprimées... Cette fois c'était trop tard, il était tombé dans le piège. Voilà que ses souvenirs affluaient, leurs brefs moments de bonheur. Il désirait toujours aussi ardemment la revoir.

"D'accord. Il y a peu de chances pour que ça fonctionne, mais nous pouvons essayer. Merci de m'accorder votre aide."

Il avait répondu rapidement et d'une voix blanche pour ne pas se laisser le temps de changer d'avis. Il était lui était profondément reconnaissant de l'aider de manière si désintéressée et regrettait maintenant de l'avoir abordée avec autant d'aprioris et d'impolitesse.

Clémence esperait que son entreprise porterait ses fruits. Elle avait sincerement envie d'aider le vicomte. Elle n'avait pas pu ni daigné le faire quand lui et sa femme etaient encore en vie. Elle se devait de s'accorder une seconde chance de pouvoir leur venir en aide.

Alors, allons-y des maintenant. Le soleil se couche. C'est le moment idéal pour ce genre de chose.

Elle s'eloigna vers le lac, sans regarder derriere elle s'il la suivait. Elle n'avait pas besoin de regarder, elle savait qu'il la suivrait.

[Le Lac]

Le vicomte n'emboîta pas immédiatement le pas à la dame blanche. Il la laissa diriger sa silhouette immatérielle sur quelques mètres sans faire un mouvement, s'accordant une dernière chance pour réfléchir et changer d'avis. Il jeta un oeil par-dessus son épaule, comme s'il sentait une présence les observer puis il s'en alla sans hâte en direction du lac.

[Le lac]